Tom Cox 04 - Tom Cox et le temple des sacrifices by Krebs Franck

Auteur:Krebs,Franck [Krebs,Franck]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Publié: 2015-07-20T16:25:05+00:00

15

LE CHEF DE la bande s’appelait Tizoc, ce qui signifiait Autre Visage, et nous apprîmes rapidement à le connaître. Jamais nom ne fut si bien porté. Il semblait que deux personnalités entièrement différentes coexistaient dans le même personnage. À de rares moments, il se révélait pusillanime, geignait tel un enfant capricieux, donnait des ordres contradictoires à ses subordonnés ou s’abîmait dans une bouderie pleine d’affectation. À d’autres, il entrait en transe. Gare alors à qui le contredisait. Sa physionomie se transformait soudain. Ses joues se teintaient d’écarlate et les veines de son cou saillaient. Sa respiration devenait sifflante, comme si un trop-plein d’énergie bouillonnait dans son corps. Alors sa raison chancelait et il lui fallait résoudre ces crises dans une sauvagerie sans bornes. Il devait se défouler sur ce qui passait à portée de sa main, sans motif le plus souvent. Ses compagnons eux-mêmes subissaient ses tempêtes qui les prenaient au dépourvu. Son ascendant sur le groupe s’expliquait par ces emportements. Il nous en donna un premier exemple en retournant auprès de la dépouille de Visage d’eau. Sans doute n’avait-il pas supporté la résistance du vieil homme. Aussi se livra-t-il aux pires atrocités sur le cadavre de son adversaire. Une façon de soulager sa contrariété. Tizoc commença par rouer de coups le corps du vétéran. Pat ébaucha un mouvement pour s’opposer à cette violence gratuite. Je lui saisis le poignet afin qu’elle reste sur place. Visage d’eau était mort et nous devions éviter de provoquer ses assassins. La rage du forcené croissait au fur et à mesure qu’il frappait. Il finit par ramasser l’épée d’obsidienne et mit le défunt en pièces. Bonne Fontaine ne put supporter ce spectacle. Il détourna la tête et l’enfouit dans la jupe de Pat. C’est alors que le brigand bondit sur ses pieds, empoigna le gamin et plaça l’arme sanguinolente contre sa gorge.

« Je vais te tuer ! Je vais te tuer ! » répétait-il avec hystérie.

Sans l’intervention d’un de ses acolytes, le garçonnet aurait été sa prochaine victime. L’homme agit avec calme et tenta de raisonner le dément à grand renfort de paroles. Il était question de profit, de vente au marché des esclaves ou de rançon obtenue auprès de la famille. En fait, ce n’étaient pas les arguments qui comptaient, mais la mélodie des mots ressassés jusqu’à l’épuisement. Tizoc s’apaisa peu à peu. La rougeur de son visage s’atténua et il finit par nous contempler d’un œil morne. Son complice nous fit signe de reculer. C’était le seul individu de la bande à faire preuve d’un peu de compassion – si l’on peut appeler compassion le souci de ne pas gâter la marchandise. Ses compagnons lui avaient donné le sobriquet de Montagne Noire, en raison de sa taille et de la couleur foncée de sa peau. En effet, il mesurait dans les deux mètres et ses poings valaient toutes les massues. Il resta aux côtés de son chef jusqu’à ce que ce dernier s’endorme. Je n’étais pas médecin, mais il était clair que Tizoc relevait de la psychiatrie, service des soins intensifs.

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